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19 Juin 2020

Eau libre et records de légende

La natation eau libre est une discipline hors normes. Qu’elle se pratique en mer, en lac ou en rivière, elle est une invitation au dépassement de soi, à s’adapter aux éléments et parfois à la rudesse de Dame Nature. Si s’aventurer en milieu naturel est une performance en soi, il est certains cas où le mot exploit prend tout son sens.

En effet, certains nageurs ne repoussent pas seulement leurs propres limites, mais élargissent le champ des possibles de l’être humain. Qu’il s’agisse de records de distance, de longévité ou même de prouesses inclassables, focus sur 5 performances insolites qui ont marqué l’eau libre.

 

  1. La plus longue distance effectuée à la nage

Qui ne s’est jamais demandé quelle pouvait être la distance la plus longue jamais parcourue à la nage d’une seule traite ? Heureusement, nous sommes là pour y répondre ! En plus, ne boudons pas notre plaisir – cocorico – le détenteur de ce record est français. En novembre 2016, Lilian Aymeric a effectué – attention, tenez-vous bien – pas moins de 236 km en nageant sans interruption pendant 3 jours et 2 nuits entre l’Ile Maurice et l’Ile de la Réunion, dans l’Océan Indien. Au-delà de l’incroyable distance qu’il a parcourue, l’exploit est d’autant plus remarquable que les conditions dans lesquelles il a été accompli étaient dantesques. En effet, durant l’ensemble des 51 heures et 1 minute de traversée, cet ancien sapeur-pompier est resté enfermé dans une cage qui le protégeait des requins, cage qui en revanche ne lui a été d’aucune aide contre les vagues de 3 mètres qui ont jalonné tout son parcours. Un authentique exploit donc, réalisé au profit de l’association « T1 Diams », qui vient en aide aux enfants mauriciens atteints de diabète. Pour l’occasion, il effaça le précédent record du genre, détenu par le valeureux nageur yougoslave, devenu croate, Veijko Rogosic, qui effectua dix ans plus tôt une traversée de 225 km entre les villes italiennes de Grado et Riccione, dans la Mer Adriatique.

 

  1. Le plus grand nombre de traversées de la Manche d’affilée

Lorsque l’on parle de défi eau libre, la traversée de la Manche revient souvent. Et à juste titre tant les conditions à cet endroit sont souvent éprouvantes pour les nageurs. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’elle fait partie des Ocean’s Seven, cette épreuve d’eau libre marathon qui consiste à traverser à la nage les détroits parmi les plus inhospitaliers du globe.

Accomplie officiellement pour la première fois par le Britannique Matthew Webb en 1875, quelques milliers de nageurs ont depuis pu compléter cette traversée. Mais parmi eux, il en est certains qui ont poussé le curseur encore un peu plus haut, réalisant successivement plusieurs traversées entre les côtes françaises et britanniques. Deux, trois, voire même… quatre.

En effet, le 17 septembre dernier, Sarah Thomas célébrait comme il se doit, sur une plage de Douvres, un exploit retentissant en devenant la première personne à réaliser la traversée de la Manche à la nage quatre fois d’affilée. Soit 2 allers-retours et 214 kilomètres – 80 de plus que ce qu’elle pensait nager – en 54 heures et 10 minutes d’effort à lutter contre les courants et marées, le froid, les vagues… Tout cela sans un arrêt ou une pause pour dormir. Tout un symbole pour cette survivante de 37 ans qui il y a à peine un an luttait encore contre un foudroyant cancer du sein, et qui dédiera finalement son exploit à celles et ceux qui se battent contre la maladie. A force de courage et d’abnégation et grâce à son envie de montrer au monde entier que la maladie n’est pas une fatalité, elle est donc parvenue à dépasser ses limites et à faire de son exploit l’un de plus légendaires réalisés en natation eau libre. Chapeau Madame.

 

  1. L’âge du plus vieux nageur ayant traversé le détroit de Tsugaru (Japon)

Au pays du Soleil Levant, les records de longévité sont pléthores. Mais celui dont nous allons vous parler est remarquable. A l’instar de la Manche, la traversée du détroit de Tsugaru fait partie des Ocean’s Seven. Bien qu’il constitue intrinsèquement la deuxième épreuve la plus courte des 7 défis après le détroit de Gibraltar, la distance à parcourir entre les îles de Honshu et Hokkaido s’élevant en son point le plus étroit à 19,5 km, les courants déchaînés entre les deux îles de l’archipel japonais poussent souvent les nageurs à réaliser une distance bien supérieure.

Lors de sa tentative en 2016, Toshio Tominaga ne dérogea pas à la règle puisqu’il eut à parcourir presque le double de la distance, soit 38 km à nager pour atteindre la rive opposée. Un périple long de presque 10 heures (9 heures et 58 minutes) d’autant plus exceptionnel que ce japonais affichait 73 printemps au compteur. Un âge vénérable qui lui permit par la même occasion de devenir le nageur le plus âgé à traverser le détroit – effaçant de loin le précédent record établi en 2012 par l’Américaine Pat Gallant-Charrette, âgée de seulement… 61 ans – et probablement à avoir accompli l’un des Seven.

 

  1. La première traversée du Pôle Nord à la nage

Vous avez bien lu ! C’est bien vers les eaux glacées de l’Océan Arctique que nous vous emmenons à présent, pour un record pour le moins givré. En juillet 2007, le britannico-sud-africain Lewis Pugh fut le premier homme de l’Histoire à réaliser une excursion à la nage parmi les icebergs du Pôle Nord. Une traversée d’un kilomètre qui dura 18 minutes et 50 secondes dans une eau dont la température affichait des valeurs négatives (entre -1,8° et 0°).

Les fondus de chimie savent qu’à cet endroit, malgré les températures, l’eau salée ne se solidifie qu’à partir de -21°. Des circonstances qui ont donc rendu possible l’initiative de Pugh, soucieux d’alerter les médias et le grand public sur le réchauffement climatique et sur la fonte des glaces. Un engagement écologique qui poussera, quelques années plus tard, cet ancien avocat et actuel professeur de droit international à l’université du Cap en Afrique du Sud à réaliser une autre traversée en eau glacée, cette fois-ci de l’autre côté du globe, dans les eaux de l’Antarctique, autour des îles Sandwich du Sud. Une performance là encore remarquable, qui contribua à faire de Lewis Pugh le premier homme à nager dans les 5 océans du globe.

 

  1. Une performance insolite

Pour finir cette série, un record pour le moins baroque. Le nom de Ross Edgley ne vous dit sûrement pas grand-chose mais parle généralement davantage aux fans de fitness tant il est une star de la discipline. Ancien joueur de l’équipe de water-polo britannique, il travaille aujourd’hui en tant que mannequin et coach sportif dans le Cheshire, comté rural du nord-ouest de l’Angleterre.

A ses heures perdues, surement un peu plus nombreuses là-bas qu’ailleurs, il s’est imposé comme un aventurier hors du commun, toujours avide d’exploits et de records en tout genre. C’est ainsi qu’en 2018, il entreprend de relier à la nage la Martinique à Sainte-Lucie, dans les Antilles, soit un parcours de 102 km qui constitue déjà une performance remarquable en soi. Mais que dire lorsque l’on apprend que la traversée fut effectuée… en tractant un tronc d’arbre de 45 kg.

Mais pourquoi donc nous direz-vous ? Très honnêtement, nous n’avons pas la réponse à cette question, si ce n’est peut-être le goût pour les records excentriques de cet athlète qui compte aussi à son palmarès un marathon en tirant une voiture, ou un record de grimper à la corde de 8848 m – l’équivalent du Mont Everest – en moins de 20 heures.

Ceci étant dit, ses performances, aussi excentriques soient elles, ne doivent surtout pas occulter ses qualités sportives rares. Dans un registre un peu plus « classique », il est par ailleurs devenu en 2018, le premier homme à accomplir le tour de Grande-Bretagne à la nage, au cours d’un périple long de 157 jours. Une autre performance à la hauteur de sa démesure en somme.

 

Comment ne pas être admiratifs de tels exploits et du courage et de l’abnégation qu’ils requièrent ? Pour autant, s‘ils vous semblent appartenir à une autre galaxie, pas d’inquiétude. Le plus grand exploit en sport reste finalement de repousser ses propres limites, chacun à son niveau.