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3 Juil 2020

Entretien avec Alain Simac-Lejeune : « Cette histoire est incroyable et elle restera gravée dans nos mémoires pour longtemps »

Cette semaine, nous avons échangé avec Alain Simac-Lejeune, nageur d’eau libre et dirigeant de plusieurs écoles à Chambéry. Il a traversé la manche en équipe en 2018 et est à l’origine de la création du club « Savoie Eau Libre ». Il nous a fait part de ses projets et ambitions. Rencontre.

Bonjour Alain, peux-tu te présenter et nous faire part de ton parcours ?

J’ai 38 ans et je dirige 4 écoles du groupe IPAC à Chambéry, dans les filières du Commerce, du Management et du Management du sport, de Bac +2 au MBA, ce qui représente environ 500 étudiants. J’ai débuté la natation à l’âge de 11 ans pour vaincre ma peur de l’eau et rejoindre ma sœur aînée au club d’Annecy. Après un passage par la section Sport études et une fois le Bac en poche, j’ai eu à choisir entre le sport et les études, et j’ai choisi les études. D’abord en Math Sup, puis en université jusqu’au doctorat de Mathématiques et Informatique. Dès la fin de ma thèse, j’ai dirigé des pôles recherche et développement dans des start-ups tout en enseignant, puis j’ai dirigé une école d’ingénieur à Lyon avant de rejoindre le poste que j’occupe aujourd’hui.

Ancien nageur de bassin, tu es reconnu aujourd’hui comme nageur d’eau libre. Comment en es-tu arrivé à devenir un spécialiste de ces épreuves ?

Passé la trentaine, j’ai ressenti le besoin de reprendre la natation. Je me suis donc remis à nager, mais après 2 mois je n’en avais plus le courage. Ce fut vraiment difficile. Après une deuxième tentative infructueuse, j’ai à nouveau remis le maillot et ma femme m’a dit : « A quoi bon puisque tu vas de nouveau abandonner dans quelques semaines ». Cela m’a piqué au vif, et depuis je nage sans discontinuité. D’abord au club de Chambéry puis à Aix-les-Bains où l’on a monté notre propre équipe de nageurs Maîtres. Après 3 années, j’ai rejoint le club de Pierrelatte qui montait une Team avec le meilleur nageur maîtres du Monde, Nicolas Granger. Concernant l’eau libre, j’ai débuté très jeune. Comme je nageais aux Dauphins d’Annecy, je faisais chaque année la traversée du Lac. J’y ai même remporté la petite course sur 1 km. Lorsque j’ai repris la natation avec mon ami Vincent Leblond, nous allions nager régulièrement dans les lacs de ma région et participions à des petites courses régionales et de Coupe de France d’eau libre, comme les traversées du Lac d’Annecy, Évian/Thonon dans le Léman ou du lac de Paladru.

Tu fais partie également des nageurs français qui ont traversé la Manche à la nage, peux-tu nous raconter cette expérience ?

Effectivement, j’ai traversé la Manche en équipe avec Fred Romera, Gilles Grabski et Vincent Leblond en 2018. C’est une histoire un peu rocambolesque. Au départ, je souhaitais le faire en solo, mais Vincent m’a dit qu’il était préférable que je le fasse d’abord en relais. De là, Fred et Gilles m’ont dit que ça les intéressait, qu’ils en rêvaient depuis tout petit. C’est comme ça que c’est parti. Nous nous sommes renseignés sur les créneaux disponibles et il y en avait un 9 mois après.

Une fois sur place en Angleterre, le pilote nous informe que la météo sera mauvaise toute la semaine et que la probabilité de traverser sera très faible. Nous avons donc passé la semaine à attendre que la météo s’améliore sans que finalement ce soit le cas. Avant de rentrer en France, nous avons négocié avec le pilote pour qu’il nous donne une nouvelle opportunité. Il a consenti à nous rappeler dans la semaine si la météo était bonne et que nous soyons prêts à traverser le jour pour le lendemain. A peine rentrés, le pilote nous appelle le vendredi soir pour nous dire : « Si vous êtes à Douvres demain soir, on part dimanche à 4 heures du matin ! »

Après avoir roulé pendant 12 heures et dormi seulement 4 heures, nous étions sur le bateau. Nous voilà donc parti pour une traversée qui ne s’annonçait pas évidente, avec beaucoup de vent et des vagues. L’ordre de départ était Fred, Vincent, Gilles et moi, avec un changement toutes les heures. Après 3 heures de course tout se passait bien et nous étions en avance sur le record., Subitement nous avons pris un contre-courant et notre vitesse est passée de 5 km/h à 1 à 2 km/h, et cela pendant près de 4 heures. Finalement le courant a basculé et nous avons repris notre route. Pour autant les ennuis n’étaient pas terminés. Nous avons eu un contrôle maritime pour un pneumatique repéré dans notre zone avec la suspicion de migrants à bord, de débris de bois et bateaux, de méduses et des algues. Notre pilote nous a demandé à plusieurs reprises de remonter dans le bateau tant les obstacles étaient anormalement nombreux. Finalement, nous avons atteint la France après 10h12 d’effort, soit près de 2 heures de plus que l’objectif que nous nous étions fixés. Comme c’est la règle, il est prévu que les nageurs retournent en Angleterre après leur traversée, mais notre pilote a accepté de nous déposer exceptionnellement à Calais, là où nous avions laissé notre véhicule. Normalement, cela ne se passe jamais comme cela. Cette histoire est incroyable et elle restera gravée dans nos mémoires pour longtemps.

Cette histoire incroyable t’a elle vaccinée pour longtemps où as-tu toujours l’idée de faire une traversée en solo ?

Et bien normalement je devais réaliser une traversée en solo cette année, mais en raison du Covid-19 elle a été reportée fin août de l’année prochaine. En fait, j’en ferai même deux. Je suis également engagé en équipe fin juin-début juillet, avec trois nageurs anglais au profit d’une association caritative britannique qui œuvre en faveur des enfants.

Nous avons appris que tu avais récemment créé un club de natation eau libre à Chambéry. Peux-tu nous en expliquer la genèse ?

L’idée de monter un club d’eau libre est arrivé quand je me suis mis à nager l’hiver dans le lac du Bourget pour préparer les Championnats de France en eau froide. Mais en fait, c’est un projet que nous avons murement réfléchi avec d’autres nageurs lors de nos échanges au cours de nos sorties en eau libre. Après le confinement, nous avons proposé via les réseaux sociaux de se retrouver pour nager en lac. Cela a reçu un écho très favorable avec de nombreux nageurs qui souhaitaient nous accompagner pour la reprise. Dès lors, nous avons préparé les statuts de l’association. Comme nous souhaitons que ce soit un club territorial, nous l’avons appelé « Savoie Eau Libre ». Nous en sommes déjà à 52 membres, dont 15 qui nagent très régulièrement, et nous recevons des demandes de renseignement régulières. Nous acceptons tous les niveaux, que les gens nagent en maillot ou combinaison. Nous organisons les sorties par groupe de niveaux avec des tracés différents pour que chacun y prenne du plaisir. Cela se passe bien, dans une ambiance plutôt fun. Les groupes sont composés de triathlètes, de nageurs eau libre, mais surtout de nageurs loisirs qui d’ordinaire s’entrainent seuls le midi en piscine, et qui souhaitent nager en eau libre de façon encadrée. A terme, notre souhait est d’emmener un maximum de nageurs sur des épreuves compétitives et de les encadrer, les « coacher ».

Enfin, tu as participé à plusieurs de nos épreuves Open Swim Stars Harmonie Mutuelle. Peux-tu nous faire un retour d’expérience ?

Mon expérience des Open Swim Stars Harmonie Mutuelle remonte à l’organisation de votre premier événement au lac de Miribel-Jonage en 2015, à Lyon. Lors de cette première, nous n’étions pas très nombreux et l’ambiance était très familiale. Cela m’a donné envie de participer aux éditions suivantes, et depuis que l’épreuve est dans le Rhône je l’aime encore plus. Quand on descend le fleuve en plein milieu de Lyon c’est génial. J’adore cette épreuve. En fait, j’aime participer aux épreuves d’eau libre quand elles sont organisées en ville. Ce sont des épreuves où parfois il y a du courant, parfois non, et de la navigation. On n’est pas obligé de se prendre la tête avec les bouées à prendre par la gauche ou la droite, on va tout droit. L’environnement est complètement différent de ce que l’on a l’habitude de trouver dans des épreuves plus classiques. C’est pour cela que j’aime les Open Swim Stars, parce qu’ils sont différents des autres et que vous avez su préserver l’esprit familial bien que nous soyons aujourd’hui plusieurs centaines au départ.