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10 Juil 2020

Entretien avec Rémi Camus : « J’aime répéter que je ne suis pas coureur ou nageur, mais serveur »

Cette semaine, nous avons échangé avec Rémi Camus, tour à tour aventurier, gagnant du jeu télévisé « Wild, la course de survie », coureur, conférencier, coach en entreprise ou animateur de stages de survie. Mais aussi nageur eau libre, lorsqu’en 2018, il réalise le tour du littoral français à la nage. Rencontre avec un touche-à-tout décidé à passer un message : « La planète est belle ».

 

Bonjour Rémi, peux-tu te présenter et nous dire comment tu es devenu aventurier ?

J’ai 35 ans dans quelques jours et mon premier métier était maître d’hôtel dans la restauration, profession que j’ai exercée pendant 8 ans. J’ai toujours eu en moi cette notion d’aventure et de défi, cette envie d’aller de l’avant et d’explorer de nouvelles choses. En 2010, j’ai trouvé le livre du Franco-Marocain Jamel Balhi « Au cœur des Amériques » dans une brocante. Il y relate son aventure tout au long des 24 000 km parcourus en courant, de l’Alaska aux confins de l’Argentine pendant un an et demi. J’ai dévoré le livre en une nuit et ça a été le déclic. Je me suis dit : si lui a réussi, pourquoi pas moi ?

Dès la fin du livre, je me suis lancé le défi de traverser l’Australie en courant de Melbourne à Darwin, avec plusieurs objectifs. D’abord, celui de me révéler à moi-même, mais également de donner un sens à ma vie et de porter un message pour faire connaitre le « Syndrome de Lowe », qui touche une centaine de petits garçons en France. Mon souhait était également de rencontrer les aborigènes qui vivent éloignés et ne sont pas encore trop pollués par le mode de vie à l’occidentale. Au cours de mon périple, j’ai passé 25 jours dans 2 communautés et appris à vivre avec eux, à chasser, à faire de la cueillette, à apprendre leur mode de vie. Mais aussi à devoir vivre 4 jours sans eau, avec la contrainte de devoir boire mon urine par 2 fois. Il a fallu que j’en passe par là pour m’en sortir, et cette aventure aura été l’élément déclencheur de mon engagement à sensibiliser différents publics à la préservation de la ressource en eau.

Suite à cette première aventure, quel a été ton projet suivant ?

A mon retour en France, j’ai fait des conférences dans les écoles, du primaire jusqu’aux écoles d’ingénieurs, ainsi que dans les entreprises. J’y abordais les notions de perception de soi, de motivation et la nécessité de préserver la ressource en eau. Cependant, il me manquait quelque chose de concret. J’avais souffert du manque d’eau, mais je ne savais pas à quel point cela pouvait être indispensable à la vie sur Terre. Cela a été ma deuxième aventure : la descente du fleuve Mekong en 2013, avec un hydrospeed spécialement aménagé de caissons étanches. Je l’ai réalisée en 4 mois et j’ai parcouru plus de 4 000 km de la Chine au Vietnam. Suite à cette aventure, j’ai pris conscience des énormes enjeux que représente l’accès à l’eau, l’impact sur les transports, le commerce, la pêche, l’agriculture et la géopolitique, notamment entre la Chine et les pays qui la bordent (Birmanie, Thaïlande, Laos, Cambodge et Vietnam) suite à la construction de barrages par les Chinois. Ça fait vraiment peur. J’ai découvert un fleuve tumultueux parmi les 10 plus grands au monde, mais aussi un des plus pollués. Plus j’avançais et plus les déchets étaient nombreux. L’arrivée au Vietnam a été vraiment catastrophique. Les affluents du Mekong sont morts. Il n’y a plus aucune vie tellement les déchets recouvrent la totalité de la surface de l’eau. Les seuls animaux qui survivent dans ce milieu sont les rats, et les serpents qui se nourrissent des rats. De cette aventure est née mon tour du littoral français à la nage afin de comprendre comment les gens percevaient la présence des déchets que l’on trouve de plus en plus nombreux dans les mers et océans.

Justement, peux-tu nous faire part de cette aventure qui t’a fait connaitre des nageurs d’eau libre ?

Le défi était de nager 30 km par jour, de Dunkerque à Hendaye puis de Cerbère à Menton, en longeant la côte. Je tirais un radeau qui me permettait de boire et manger, et je dormais sur la plage dans les clubs nautiques ou différents lieux que les mairies mettaient à ma disposition. La première partie de l’aventure a été compliquée en raison de la température de l’eau en mer du Nord et dans la Manche. J’ai subi 2 hypothermies sévères malgré ma combinaison néoprène. En Atlantique, entre la Tremblade et l’Ile d’Oléron, un coup de vent de 8 sur l’échelle de Beaufort, avec 4 mètres de creux et des déferlantes en pleine mer, m’a bien secoué. Enfin, en Méditerranée, cela a été plutôt sportif et très aléatoire. On pourrait penser que c’est une mer calme mais j’ai rencontré plusieurs fois des conditions difficiles, avec orages, pluies, grêles et une forte Tramontane au départ de Cerbère avec des creux de 1,50 m et un vent de face. Finalement, j’ai rallié Menton le 16 septembre après avoir nagé tous les jours pendant trois mois et demi.

Tu n’étais pas un grand sportif à la base, comment t’es-tu préparé physiquement pour réussir tes aventures ?

Je n’avais pas le choix. J’aime répéter que je ne suis pas coureur ou nageur mais serveur. A l’époque, je ne savais pas comment m’y prendre et je n’avais pas les moyens financiers de me payer un coach sportif. Je me suis préparé seul pendant 8 mois pour la traversée de l’Australie. J’ai démarré avec une paire de chaussures et un tee-shirt et je suis arrivé à courir jusqu’à 20 km le matin, faire mon service, aller à la salle de sport pour prendre de la puissance dans les jambes, retourner faire mon service et enfin courir à nouveau 20 km le soir. En parlant de cette préparation quelques années plus tard à un coach sportif, il m’a dit que j’avais eu beaucoup de chance de ne pas me blesser. Mais de façon intuitive, je sais gérer mon corps et m’écouter pour éviter la blessure. Pour l’entraînement de mes aventures à la nage, j’ai appris à nager le crawl pour préparer la descente du Mekong. J’allais tous les jours à la piscine nager 3 à 4 km, et suite aux conseils d’un maître-nageur, j’ai rejoint un club de nage en eaux vives à Issoudun. Là, ils m’ont dit qu’il était suicidaire de vouloir descendre des rapides en nage pure, que j’allais me retrouver coincé sous des rochers et me noyer. J’ai donc terminé ma préparation qui aura duré plus d’un an, dans les rivières près de chez moi à Bourges, avec des palmes et un flotteur, jusqu’à mon départ en Chine. Entre la descente du Mekong et le tour du littoral, il s‘est passé 4 années. J’en ai profité pour passer différents diplômes avec les sauveteurs en mer (SNSM) et m’entraîner en natation et sauvetage avec parfois des conditions de mer extrêmes. J’ai complété ma préparation finale avec de la nage en rivière pour le manque de visibilité et le côté hostile. On peut dire qu’après cela, j’étais prêt !

Aujourd’hui, quelle est ton actualité ? Prépares-tu une nouvelle aventure ?

Le coronavirus a été très intéressant pour moi parce que j’ai pu mettre en place plusieurs projets que j’avais mis de côté. J’ai plusieurs conférences en préparation, des stages de survie, je refonds mon site internet et je termine un livre. Donc mon actualité est plutôt bien remplie. Cela m’a permis de donner du sens à toutes les activités que je mène depuis 10 ans. Pour le côté défi, je prépare le projet « Mission Groenland » qui devrait voir le jour au printemps 2021. Nous sommes en train d’avancer sur les budgets, mais mon but est d’arrêter l’aventure. Je souhaite changer de statut et devenir explorateur scientifique. Je travaille avec des laboratoires en lien avec l’IFREMER et le CNRS, pour ramener des échantillons de neige et de glace qui vont permettre de mesurer les particules de plastique, les différentes pollutions et organismes vivants présents. Mon objectif à terme est de faire avancer la science, et non plus juste de partir sur une énième aventure comme beaucoup le font.

Enfin pour terminer, tu as été présent lors de deux événements Open Swim Stars Harmonie Mutuelle en 2019, à Èze et Paris. Tu nous as fait part de ton expérience et du devenir de notre planète. Comment as-tu vécu ces moments ?

Suite à mon intervention à la Villette, une professeure d’espagnol m’a appelé pour me demander d’intervenir auprès de ses élèves. Elle m’a expliqué qu’elle avait été touchée par mon discours et qu’elle y avait pensé pendant tout son parcours à la nage. J’ai trouvé cela touchant. Dans mes conférences, je suis là pour expliquer ce que j’ai pu voir dans mes aventures, les constats que j’ai pu y faire et la tournure des choses. Mais je suis surtout là pour expliquer que la planète est belle, et que pour la préserver, il faut la connaître. J’ai l’impression que les Open Swim Stars c’est un peu ça. Les personnes viennent faire un défi, se mesurer, se confronter à un milieu hostile avec plus ou moins d’aisance. C’est un moyen pour eux de comprendre que nos fleuves et rivières doivent être préservés si l’on souhaite pouvoir continuer à y nager.

Sinon, je trouve que les Open Swim Stars sont une très belle activité. C’est un beau projet. Cela permet à toutes sortes de personnes de se lancer un défi et de nager dans des endroits insolites. Cela permet à tous de se dépasser. Il n’y a pas une personne meilleure qu’une autre. Du moins, c’est ce que j’ai ressenti. On a l’impression que c’est une très grande famille. Vous êtes tous réunis. Tous se félicitent, les jeunes, les moins jeunes, et je trouve cela très joli.

 

Pour en savoir plus sur Rémi et ses projets :

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